ECRITS / Texte
Présentation :
Ce texte fait partie du recueil « Paris, voyages », ouvrage terminé en juillet 2001, et non publié (vous pouvez accéder à une description de l’ouvrage « Paris, voyages » dans le menu « ECRITS »).
Le texte commence le troisième chapitre (le « troisième voyage »), qui est un voyage imaginaire dans le temps, aux origines de la géographie du bassin parisien où s’est implantée la ville.
Quelle valeur, quelle signification pouvons-nous donner à cet exercice d’ « imagination » ?
Imaginaire ?
J’ai déjà fait référence précédemment à la notion d’utopie. Il ne s’agit pas ici de se placer dans cette référence, mais d’intégrer dans le processus de réflexion des modes d’expression de la « pensée » qui peuvent parfois apparaître comme des divertissements! Il s’agit bien d’étendre la rationalité telle que nous la concevons souvent à d’autres modes d’exploration mentale et de découverte.
Peut-être étais-je « trop-plein » de la réalité de la rue, du bruit et de la confusion qu’elle m’évoquait, en « manque » d’espace, et, un peu comme le rêve nocturne “répond” à notre activité psychique de la veille, je me suis laissé à imaginer l’espace géographique parisien «hors du temps» ou dans un temps lointain (passé ou futur?) que je ne pourrais déterminer.
Au départ, cela peut ressembler à une détente, une décompression… qui ne mènerait nulle-part (et peut-être la vivais-je comme cela aussi !). Je reviens à cette question de l’utopie : cette démarche est-elle utopique?
Je me dis que non, puisque je ne projette pas : au pire, j’utilise quelques notions approximatives d’une hypothétique «forêt vierge», donc peut-être puis-je dire que je transpose, que je déplace les lieux. Mais je ne construis pas d’espace « idéal » que je voudrais voir réaliser. Autrement dit, je ne mets pas en jeu de projet pour lequel les autres seraient aussi impliqués. J’explore, de manière purement imaginaire, dans un lieu où je ne place d’ailleurs personne de déterminé.
Ce voyage que j’intitule imaginaire n’a pas non plus la même fonction que le rêve. Dans un rêve, je peux penser que j’habite chacun des personnages ou des lieux que je me représente, au moins mentalement. Le noir (du sommeil) est un miroir à l’intérieur duquel je viens écrire mes histoires. Ces histoires ont peut-être cette particularité de ne pas être soumises à la « censure » des autres (ce qui me permet de me projeter dans chacun de mes personnages): c’est ainsi que là, dans le rêve, je peux penser que se met à agir mon désir dans ce qui m’est le plus proche en terme de correspondance. Non que là mon désir soit pur (dans un sens idéal), mais qu’il me dit, à cet instant, qui je suis. La prise de conscience de ce que je suis (dans le rêve), je suis en suite amené à l’évaluer dans ma réalité aux autres et à déterminer mes comportements.
Il y a donc ce que je suis, dans le rapport le plus profond que je puisse appréhender vis à vis de moi-même, et ce que je choisis d’être dans mon rapport aux autres. Cette extension ne s’effectue pas sans conflits, comme chaque fois que nous avons à effectuer un choix. Il y a moi (avec mes désirs) et cette conciliation avec les autres, chargée de rupture.
L’imaginaire dont je parle ici procède d’une « pensée » éveillée, ou concrète pour que le terme ne porte pas à confusion, c’est-à-dire évaluant la réalité au regard de critères connus : l’imaginaire tient dans cette possibilité de sortir de la séquence temporelle habituelle. Je me déplace dans le temps, au-delà même du temps que je sais appréhender, à partir de traces assemblées. Cet éloignement me permet d’explorer une réalité autrement (ailleurs) que sur le chemin sur lequel elle s’est développée.
Je repense à cette notion de choix dont je parlais précédemment, et il s’agit donc ici d’explorer ce qui aurait pu être en ré-évaluant les choix possibles.
Si l’exercice consistait à nier ou à contredire la réalité historique telle qu’elle s’est développée, il n’aurait pas grand intérêt. Cette exploration d’autres choix possibles, je ne l’effectue que si elle me renvoie, aujourd’hui, à une question présente (sous-jacente). Ce déplacement temporel me permet, dans un cadre distendu, de retravailler l’assemblage des éléments.
© Luc Dupont / Juillet 2001 / « Paris, voyages », page 50 (troisième voyage)