Cours pékinoises

Les traces d’occupation du site de Pékin sont très anciennes, mais la ville qu’ont connue les voyageurs occidentaux jusqu’au début du 20ème siècle date du 15ème siècle (époque Ming), à l’intérieur de ses remparts ; ces derniers ont été détruit en 1950.

Jusqu’au début des années 2000, même si la destruction des « hutongs » avait largement commencé, il était encore possible de faire l’expérience de la découverte de cette ville merveilleuse. Depuis les destructions sont si importantes qu’il ne reste que quelques quartiers pour témoigner de l’ancienne ville.

Pékin en 1912 – photographie Albert Kahn – Seuls les toits de la Cité Impériale et des temples émergent des toits des « siheyuans » noyés dans la verdure…
Autre photographie au début du 20ème siècle, prise peut être du haut des remparts. Les maisons à cours carrées (siheyuans) sont ici mieux visibles, dans une atmosphère presque rurale.

Les maisons pékinoises sont des maisons basses, de plain pied, composées de plusieurs bâtiments formant idéalement une cour carrée. La maison est occupée par une famille au sens élargi, c’est à dire regroupant plusieurs générations. La cour est l’espace central, l’espace commun, qui sert souvent de potager et de lieu où se retrouvent tous les membres de la famille.

Les siheyuans sont accolés les uns aux autres et forment des ruelles qui les desservent, les hutongs. Les cours des maisons mais aussi les hutongs sont souvent plantées d’arbres qui noient l’ensemble de la ville dans un océan de verdure et de chants d’oiseaux.

Parcourir cette ville était une expérience merveilleuse; un mélange de beauté, de douceur et d’urbanité. Pour être urbaine, une ville n’a pas besoin d’être haute ; Pékin en apportait la démonstration. A notre époque où nous nous préoccupons d’écologie, nous pourrions aussi dire que l’ancien Pékin constitue le modèle idéal de la « ville écologique ». Équilibre de densité, de présence de la nature, de ressources vivrières dans les multiples potagers intérieurs aux maisons, économie des espaces publics (les hutongs sont souvent étroits)…

Extrait du plan de Pékin en 1750, montrant l’assemblage des siheyuans formant les hutongs. Quelques règles strictes et précises ont permis la constitution progressive de ce merveilleux assemblage, conçu comme un « lotissement » ; hauteur limitée des bâtiments, obligation de former la rue, nombre de cours successives limité, éléments de décoration contrôlés eux aussi pour respecter la hiérarchie et la cohésion de la société.
Exemple en rouge d’un siheyuan et ses trois cours successives depuis la rue (hutong).

Les principaux matériaux de construction sont la brique, le bois et les tuiles de toiture. Chaque bâtiment est quadrangulaire et assez peu profond, ouvrant d’un côté sur la cour intérieure. A l’origine les bâtiments sont indépendants les uns des autres et permettent d’accéder latéralement aux cours arrières.

Ce n’est que plus tard, après 1950, que les bâtiments seront souvent reliés entre eux et étendus par  des extensions pour loger un plus grand nombre de familles…

Axonométrie d’un siheyuan type, composé de trois cours successives; une première cour de services sur la rue (en bas de l’image) sert d’espace tampon vers la cour principale au centre de l’image (« cour carrée »), et une troisième cour au fond, souvent plantée (où l'osaient les jeunes-filles non mariées). Vous remarquerez le décalage des différents porches d'accès pour préserver l'intimité de la vie familiale.

Je vous montre ci-dessous quelques photographies prises depuis le haut de la Tour du Tambour et qui rendent compte de la densité de la ville malgré sa faible hauteur. Cette densité était moindre à l’origine.

J’ai eu la chance de pouvoir entrer dans plusieurs de ces cours, et je remercie les pékinois qui m’ont accueilli. Je vous en montre quelques unes ci-dessous. Peu d’entre elles ont conservé leur aspect initial, car comme je le disais ci-dessus, elles ont été profondément transformées à l’époque de Mao Tsé-toung.

Là ou vivait une famille au sens élargi, plusieurs familles se sont installées; il a donc fallu construire des extensions, parfois au milieu même de la cour.

Cette cour est magnifique et est restée intacte depuis son origine, pas encore rénovée; c’est un exemple très rare aujourd’hui. Vous pouvez la voir en vidéo sur ce site.
... potager dans la cour…
Cour de la maison de l’ancien écrivain Lao She
Cette cour est habitée aujourd’hui par plusieurs familles; à droite et à gauche de l’images ce sont des extensions des bâtiments d’origine. Le bâtiment au fond de l’image est un des bâtiments anciens formant la cour carrée.
Vue un peu déformée par un montage photographique d’une cour intérieure magnifique regroupant un potager et une très grande volière; les pékinois sont amoureux des oiseaux. Il n’est pas rare d’en croiser dans la rue (hutong) se promenant avec une cage à la main… Vous pouvez voir cette cour en vidéo sur ce site : "la cour aux oiseaux".
Cette cour a été abîmée par des extensions « modernes » en parpaings jusque dans son centre…